Mois après mois, les mauvaises nouvelles s’accumulent sur le front économique et financier et viennent attester, s’il en était encore besoin, de la gravité de la situation. Mois après mois, une frange importante des commentateurs répète à satiété la même antienne, que l’on peut résumer simplement : « c’est la faute du libéralisme ». Aussi, après la mise sous tutelle des deux établissements de crédit hypothécaires Freddie Mac et Fanny Mae la violette se devait de remettre au centre du débat quelques vérités premières.
Rappelons tout d’abord, comme l’a imparablement montré Vincent Bénard1 , que Freddie Mac et Fanny Mae ne sont pas des monstres de l’ultra libéralisme, mais des entreprises parapubliques, en charge de mettre en place la politique du gouvernement fédéral américain en termes de logements. L’accession à la propriété étant au cœur du mythe américain, rien d’étonnant à ce que les politiques, dans leur volonté de satisfaire les citoyens autant que les électeurs, aient cherché à infléchir les lois du marché qui auraient été plus restrictives.
Par ailleurs, s’il est facile avec le recul de se gausser des crédits subprimes et des risques inconsidérés qu’ils font courir sur le système financier, peut-être conviendrait-il de se souvenir que ces crédits, loin d’être de redoutables usines à gaz produites pas la créativité maladive de financiers délirants, étaient de simples crédits immobiliers destinés à des acheteurs qui, faute de revenus suffisants, se voyaient jusque là refuser leur financement. Aucune sophistication financière là dedans donc, seulement la volonté qu’en France on qualifierait de sociale de permettre à des acheteurs non solvables d’accéder à la propriété. Aussi la violette propose-t-elle de rebaptiser la crise des subprimes en crise du logement social ! D’une façon amusante, cette précision apportée à la traduction suffit à rendre caducs la majorité des commentaires sur cette crise. Et elle annihile du même coup les critiques sur l’excès du libéralisme en rappelant qu’à l’origine elle nait de la volonté de permettre à une majorité d’américains d’accéder à leur logement hors des conditions de marché. Posé comme cela évidemment, le problème résiste bien davantage que quand il est outrageusement caricaturé.
Mais venons-en aux derniers développements de cette interminable crise. Depuis de nombreuses semaines, la sphère financière se demandait comment Freddie Mac et Fanny Mae allaient pouvoir faire face à un remboursement de plusieurs dizaines de milliards de dollars à fin septembre avec une trésorerie et des fonds propres fortement dégradés. Aussi la nouvelle de leur mise sous tutelle n’a-t-elle pas surpris grand monde. Mais elle a permis à nos commentateurs automatiques de revenir à la charge dans la dénonciation du libéralisme. Tel le Canard Enchaîné, quand facétieux il explique qu’«A l’inverse de toutes ses professions de foi libérales, l’administration Bush vient de nationaliser [Freddie Mac et Fanny Mae]2» Et la violette de s’interroger : faut-il que le tropisme de la pensée unique soit puissant pour qu’un journal aussi rigoureux et indépendant en soit victime ! Cela fait belle lurette que les libéraux disent et répètent que le gouvernement américain et tout sauf libéral, et cependant, qu’il prenne une position anti libérale et l’on continue d’y voir une contradiction !
Cette mise sous tutelle a permis aussi de recycler de nouveau l’idée éculée que l’on assistait à une privatisation des profits, et une nationalisation des pertes. Si tel était le cas, comment expliquer que l’état américain, comme tous les états d’ailleurs, dispose encore de recettes ? Car faut-il rappeler que faute de pouvoir créer de la richesse, les recettes d’un état sont faites exclusivement de prélèvements divers et variés ? Quoi de scandaleux dans ce cadre que l’état restitue une partie de ce qu’il a prélevé sur la richesse produite pour tenter de limiter l’impact d’une crise qui a déjà fait perdre leur logement à des centaines de millions d’américains parmi les plus modestes ? Les actionnaires de Freddie Mac et Fanny Mae ont été sanctionnés comme il se doit : leurs actions ne valent plus rien, à la suite de l’irruption d’un nouveau créancier de rang prioritaire. Que demander alors de plus ? Veut-on plus de faillites, plus de personnes expulsées de leur logement, pour au total une crise financière qui frappe plus fort et plus longtemps ?
Comme on le voit, les théories libérales ne sortent pas affectées par cette crise. Mais face à la gravité de la situation, la Violette se gardera de toute manifestation de triomphalisme, en attendant des jours meilleurs.
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1. "Subprime : marché accusé, État coupable", Vincent Bénard, texte intégral disponible sur www.objectifliberte.fr.
2. "Ce Bolcho de Dobeuliou", Le Canard Enchaîné, 10 septembre 2008

1 commentaires:

Le terme "privatisation des profits, nationalisation des pertes" ne fait pas forcément référence aux actionnaires, qui effectivement ne sont pas sauvés par le mécanisme mis en place. En revanche, dès lors qu'on utilise l'argent public, en gros qu'on taxe les gens pour permettre aux deux institutions financières de tenir leurs engagements, on évite des pertes à tous les établissements financiers qui avaient assurés leurs risques auprès de Freddie Mac et Fanny Mae. Ce n'est pas juste : ce n'est pas au contribuable de payer les erreurs de jugements d'investisseurs quels qu'ils soient. Et c'est également un mauvais signal envoyé au marché : au lieu de signifier "voyez, quand on prend des risques, on assume les conséquences", on dit "vous aviez raison de prendre des risques en pensant que ces risques seraient limités par l'intervention publique et le contribuable". On conséquence on encourage les comportements risqués futurs. Et au lieu d'amortir la crise, on la reporte en l'amplifiant. C'est exactement la meme chose avec l'annonce du sauvetage par le contribuable de l'assureur AIG. C'est très mauvais pour le libéralisme car justement les libéraux pensent que les assureurs, en évaluant correctement les risques, aident à la régulation en refusant d'assurer n'importe quoi. Ce sont sensés être des spécialistes du risque. S'ils font une erreur et n'en payent pas les conséquence, ca veut dire qu'ils n'ont plus besoin d'évaluer correctement le risque, car ils ont un assureur de dernier ressort qui sera le contribuable, et qui paiera sans avoir touché les primes d'assurance ni évalué les risques. C'est fondamentalement une TRES mauvaise chose.

17 septembre 2008 à 02:33  

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